Photocinq
Le site de Rémy Duroir

Groupe Solstice , une constellation d'artistes

Affiche  réversible de l'expo-érotique 69 de Vierzon.
Bernard Jund, peintre, sculpteur, plasticien, performeur.
Affiche de l'exposition commémorative Solstice de 2011.
Le peintre Yves Métivier au cours d'une exposition au Centre Culturel Mac Nab de Vierzon.
.La première fois que j'ai vu Yves Métivier, c'est à travers mes mèches de cheveux dégoulinantes de flotte et de shampoing, la tête renversée au-dessus d'un évier de pierre, un broc d'eau rapporté de la fontaine à portée de la main. Je l'aperçois à l'envers, lui est à contre- jour, s'encadrant dans la porte grande ouverte sur une campagne berrichonne ensoleillée.
Il venait me demander de présider l'inauguration d'une exposition de peintures dans un bistrot de Vierzon. Les toiles étaient celles d'un petit groupe d'amateurs composé de trois copains et de lui-même. C'est ensemble qu'ils allaient peindre « sur le motif » durant leurs moments de loisir, « à temps.. .pas perdu »
L'un travaillait à la SNCF, le deuxième avait été décorateur sur porcelaine, puis maintenant Agent technique pour la commercialisation de ce produit typiquement local. Le troisième oeuvrait dans la plomberie, enfin lui-même travaillait comme dessinateur aux services techniques de la ville. Quand à moi, c'est ma nomination comme professeur de dessin au lycée technique qui l'avait amené jusqu'à mon domicile.
Etant né dans ce village, il lui avait été facile d'apprendre ma présence toute nouvelle sur sa commune.
Je me montrais d'abord réticent à sa proposition, ne comprenant pas l'intérêt de ma présence parmi eux. Il se fit sans doute convaincant puisque je finis par accepter.
Au vernissage je ne connaissais évidemment personne à part Yves et je fus particulièrement surpris par l'accent local typique de ce qu'un parisien que j'étais avait classé une fois pour toute comme « paysan ». Et ceci plus particulièrement chez l'un des artistes exposants...
C'était là le noyau dur de ce qui allait devenir le groupe de Vierzon, qui 5 ans plus tard devait figurer parmi « l'avant-garde » de l'art contemporain aux Côtés de BEN, de l'Ecole de Nice (groupe Fluxus) ,de l'art conceptuel, des interventionnistes devenus maintenant « art performance », des « installateurs » et autres artistes qui à cette époque déserteront les cimaises des lieus élitistes pour s'installer dans la rue ou tous lieux inédits au milieu d'une population surprise, curieuse, amusée, quelque fois intéressée, quelque fois indifférente.
La deuxième étape me rendait encore plus circonspect. Yves et un journaliste local s'étaient mis en tête de fonder un groupe de peintres et de poètes, et ils voulaient que j'en fasse partie. C'est encore Yves qui fut chargé de me contacter pour me faire cette proposition. Déjà, je ne me sentais pas proche d'eux dans ma démarche artistique, j'avais abandonné la peinture « sur le motif » et renié l'héritage impressionniste depuis quelques années. Et l'idée de « groupe » allait à l'opposé de la conception que je me faisais de la liberté individuelle du créateur.
Yves me fit entendre que je ne m'engageais à rien en étant seulement présent à une première réunion, seulement une prise de contact pour décider ou non des possibilités d'une association déclarée en bonne et due forme.
Serge STRUB qui venait chez moi pour des travaux de plomberie me proposa d'aller ensemble à cette fameuse réunion. Tous les deux, nous avions l'esprit un peu moqueur vis-à-vis du sérieux que semblaient prendre les choses, moi-même je pensais qu'un groupement d'artistes ne se décide pas, mais qu'il naît à l'occasion de rencontres, de hasards heureux.
Aussi nous décidions que nous devions « casser l'ambiance » en arrivant. J'étais en train de fabriquer des masques un peu monstrueux en carton ondulé, sorte de heaumes avec des seins coniques à la place des yeux, entre autres fantaisies drolatiques et baroques. Nous décidâmes donc de porter deux de ces masques et de proposer les autres à l'assemblée. Le tout fut embarqué dans la camionnette de plombier, aux côtés des tubes de cuivre et des chalumeaux.
La réunion avait lieu dans une petite maison vide, typiquement berrichonne: une seule grande pièce avec une cheminée où l'on aurait pu rentrer une armoire. On descend du véhicule et allons chercher deux des masques à l'arrière de la camionnette. C'est alors que Serge voyant son chalumeau me dit: « Attends, j'ai une idée! » Il sort l'instrument, s'en équipe.. . Nous étions en retard, ayant beaucoup palabré à la maison avant de partir. Nous étions les derniers, c'était parfait. Nous mettons les masques, il allume le chalumeau. Nous entrons au milieu d'une assemblée aux mines sévères et fermées. Avaient-ils eu peur? Aussi c'est plutôt au milieu de visages réprobateurs que nous nous installâmes... C'est bien ce que je craignais. ils vont se prendre au sérieux...
Je ne sais plus de quoi il a été débattu ce soir-là, mais certainement pas d'art ni de poésie, mais seulement d'organisation, d'administration, de statuts de cette fameuse association. Le seul moment ludique fut la recherche du nom à donner à ce futur phalanstère d'artistes et de poètes. Je ne saurais retrouver le cheminement et l'enchaînement des propositions émises avant que quelqu'un propose le nom de « SOLSTICE » et que cette appellation brillante bien qu'un peu prétentieuse ( Soleil à son point culminant! ) fut adoptée.
Restait à former le bureau... C'est là que le piège se referma. Après avoir sollicité des candidatures on avait désigné le secrétaire Yves Métivier, le trésorier Jacques Baraton. II leur manquait donc.. . . un président. Une fois de plus on me fit valoir que cette « charge » ne comportait aucun devoir particulier, puisqu'ils seraient assurés par le secrétaire et le trésorier et c'est à moi qu'incombait cet honneur... Ils ne savaient pas à quoi ils s'exposaient, certains le regrettèrent sans doute quand je commençais à prendre mon rôle au sérieux et que j'orientais le groupe dans des domaines de l'activité artistique qu'ils n'avaient pas souhaité et que j'arrivais à l'extraire de l'amateurisme et à le faire rayonner hors de sa région. Il y eut alors des abandons, des démissions et l'arrivée de nouveaux artistes: soit venus d'ailleurs, soit des jeunes de la région, encore étudiants.
Deux ans après, s'étaient ralliés au groupe des artistes de Bourges, de Paris, de Lille, de Marseille, de Brest et de Bordeaux.
C'est donc enrichi de nouvelles personnalités que l'on se retrouva être catalogués d'avant- garde et invités à de nombreuses manifestations auprès d'autres groupes de province dont certains avaient déjà acquis une réputation nationale.
L'aventure commune se termina à Lyon en 1975 à la Galerie Verrière aux côtés d'artistes du groupe surréaliste d'André Breton, du mouvement Phases International, du groupe Ekart et de quelques célèbres individualités de l'art contemporain.
Chacun continua sa route. L'amitié a perduré.                                                             Bernard JUND

2011 les amis du Solstice retrouvés à Vierzon

DE L'AMATEURISME A L'AVANT-GARDISME
                   LE PARCOURS DU SOLSTICE        par    Rémy Duroir


Vierzon, en 1966, avait la chance d'avoir le meilleur Lycée, et moi j'avais la chance d'y être élève...Mes copains d'alors m'appelaient « l'artiste ». Le cours d'arts plastiques n'était pas le plus fréquenté, tant mieux il y avait plus de place pour des gens comme moi... L'animateur de ce cours, un certain Jund, veste de velours, cheveux longs et écharpe rouge à la Bruand, n'avait pas vraiment le look « prof du technique », il était à part, il ne parlait pas de normalisation, lui, mais plutôt d'expression, et après les froideurs des essais mécaniques nous découvrions le « rose thyrien » entre autres trésors du cours d'art.
Bref, Bernard Jund m'apportait, en matière d'expression artistique, tout ce que je rêvais d'entendre, en outre il venait de créer un groupe de peintres et poètes et était prêt à l'élargir à des jeunots comme moi. J'avais donc 18 ans quand je rejoignis le Solstice, exactement à la deuxième réunion officielle du dit groupe.
Avec mon complice, Dominique Bardelot , nous riions de tout et surtout de nous mêmes, notre peinture était sans doute très sérieuse, mais nous ne nous prenions pas au sérieux. Pendant les réunions nous passions des petits dessins à Yves Métivier, nous appelions cela « les lettres à Théo », en allusion à la correspondance de Van Gogh avec son frère. Yves était sans doute le plus sérieux et le plus motivé de tous. En plus d'être un artiste incontesté et capable de grande diversité de techniques, il organisait, classait et notait (c'est en grande partie, grâce à lui, que nous pouvons encore aujourd'hui puiser dans la mémoire du Solstice). Dans ce climat à la fois artistique et volontiers rieur, un soir, dans un bistrot, nous avions fait une farce à Simon Gourdol, en remplaçant une de ses toiles dans son cadre par un carton «A Jeanne d'Arc, la maison du beau vêtement».
J'aimais la diversité des artistes amateurs du Solstice : les encres et crayons de Jacques Dangeon, qui devint sur mon conseil avisé et moqueur « peintre de la Bigorre et du Cosmos... », les vieux quartiers de Vierzon de Serge Strub dit « Rue », les chefs d' oeuvre d'art naïf de Jacques Baraton, des chats et des arbres en boule...
Et puis il y avait, les « pros », ceux qui, comme Bernard, avaient déjà une expérience professionnelle des arts graphiques : Maud Albizatti qui donnait des cours de dessin et réalisait des peintures sur soie et Jacky Trottereau, prof de décoration céramique, qui était sans aucun doute, le mieux préparé pour passer à une nouvelle forme d'art avec Jund ; il était normal de le retrouver en avant scène avec ses « tactiles » pendant la période érotique.
Les poètes occupaient une place prépondérante dans le Groupe : Yves Tourneur, Régis Ronteix et Yvon Bellier venus de Bourges, mais surtout Pierre Lauberty (encore un de mes profs...), qui, avec beaucoup de malice et d'intelligence nous lisait quelques « mini fables » au cours de nos nombreuses réunions enfumées. Nous accrochions alors régulièrement nos oeuvres aux clous des bistrots vierzonnais, et en 1967, enfin, aux cimaises d'une grande salle.
Le mouvement était en marche et déjà nous ressentions un vent nouveau pousser le Solstice. Sous l'impulsion de Bernard, une nouvelle forme d'expression allait faire connaître le « Groupe de Vierzon » comme l'appelaient les autres artistes nationaux. Déjà les amateurs de l'origine n'existaient plus; les uns ont changé leur façon de travailler pour préparer la grande expo érotique de 1969 (prévue pour 1968, mais...), les autres ont quitté le groupe.
La suite vous la connaissez : Vierzon 1969, les rêves s'envolèrent dans les flammes de la salle municipale, puis Tours et les happenings de 1970, l'art était dans la rue, puis ce fut SIGMA à Bordeaux, la Galerie du Ranelagh à Paris, Grasse, Marseille et enfin « Armes et bagages » à Lyon, mais nous étions déjà en 1975, et le groupe était alors au zénith ; dans sa deuxième phase, habituellement, le soleil disparait peu à peu, le Solstice de Vierzon, lui, n'a pas admis cette descente aux enfers, il s'est figé à jamais dans sa position la plus haute.
(...) J'irai sur le Mont Xénosylvatréops, que j'inventerai, pour verser un symbole dans la grande coupe,
quand le soleil passera aux tribunes : SOLSTICE !
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   
DATES IMPORTANTES DU SOLSTICE
EXPOSITIONS ET MANIFESTATIONS


1966 Constitution du groupe SOLSTICE à Vierzon (Cher) Fondateurs:
Yves METIVIER, Jacques BARATON, Jacques DANGEON, Serge STRUB, Bernard JUND
1967 Première EXPOSITION VIERZON
1968 Expos diverses dans les cafés de Vierzon
1969 L'EROTISME DANS L'ART CONTEMPORAIN VIERZON
1969 CHATEAU DE BOUCARD Près de SANCERRE 1969 SIGMA à BORDEAUX
1970 LOGIS SAINT JEAN VIERZON
1970 FREE JAZZ WORKSHOP avec le HOT CLUB de Lyon à VIERZON
1970 ENVIRON 2 et ENVIRON 3 "EROS est la VIE" à TOURS
1970 FILM: La Maîtresse du Grand Sorcier
1970 Chez Georges PARIS
1971 Galerie BORNE CHATEAUROUX
1972 RANELAGH PARIS
1973 SIGNAL GRASSE
1974 MARGINALE MARSEILLE
1975 Galerie VERRIERE « Armes et bagages »LYON
Henri Cueco (gouache sur papier)
Manif Yves Métivier (acrylique sur toile)
Nu (huile sur toile) Jean Pierre Soulon 
Nu (feutre sur papier) Bernard Jund
(Huile et collage sur toile) Claude Doutre Roussel
Le chat (huile sur toile) Jacques Baraton
Pop Art (détournement d'objets) Rémy Duroir 



Quelques créations accrochées à l'exposition de Vierzon en 2011 sur les soixante présentées à la Salle Dembac. Certaines étaient des rescapées de l'exposition de 1969, détruite par l'incendie de la salle municipale; c'est le cas du chat de Baraton, sauvé in extremis des flammes.
La croix (montage) Jacques Trottereau
Portraits (encre sur papier) Dominique Bardelot
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